La cession d’un fonds de commerce entraîne généralement la cessation de l’activité commerciale du vendeur, qui se trouve dès lors privé de l’élément principal de son exploitation. Afin de protéger les créanciers du vendeur, la loi impose à l’acquéreur du fonds de commerce de respecter des formalités de publication visant à informer les créanciers de la cession en cours.

Cette obligation découle des articles L.141-12 et suivants du Code de commerce qui instaurent un dispositif protecteur accordant aux créanciers un droit de suite limité dans le temps et ce avant que le vendeur ne disparaisse de la sphère économique. Le prix de cession est ainsi provisoirement bloqué tant que les créanciers n’ont pas été réglés. 

Ce mécanisme donne une garantie aux créanciers du vendeur pour faire valoir leurs droits avant tout transfert des fonds au vendeur mais permet également de protéger l’acquéreur du fonds de commerce contre le risque de devoir payer deux fois le prix de cession. (Voir point)

Ce dispositif étant source de contentieux complexes, il est donc impératif pour l’acquéreur, le vendeur ou ses créanciers de recourir à l’assistance d’un avocat spécialisé pour défendre efficacement leurs intérêts.

 

Les conditions de l’oppositionopposition-paiement-prix-cession-fonds-commerce-cabinet-vpa-avocat-proust-avocat-droit-immobilier-paris-01

L’opposition au paiement du prix de cession constitue une procédure complexe et rigoureuse, impliquant des conditions, délais et formalités précises. 

Les acteurs et délais

Les créanciers titulaires du droit d’opposition

Le droit d’opposition est ouvert à tous les créanciers du vendeur, qu’ils soient chirographaires ou privilégiés. En pratique, il s’agit majoritairement de créanciers professionnels tels que les fournisseurs, les établissements bancaires, services fiscaux ou organismes sociaux. 

Les délais d’exercice de l’opposition

En vertu des articles L.141-14 et suivants du Code de commerce, les créanciers disposent d’un délai de 10 jours à compter de la publication de l’acte de cession dans le Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (BODACC). 

Le rôle du séquestre

Bien que la désignation d’un séquestre ne soit pas obligatoire, elle est largement pratiquée afin de sécuriser la procédure. Le séquestre, généralement l’avocat du vendeur ou de l’acquéreur, est chargé de conserver le prix de cession jusqu’à l’expiration des délais légaux et de régler les éventuelles oppositions légitimes. À défaut de séquestre, les parties peuvent insérer dans l’acte de cession une clause spécifique réglant les modalités de blocage des fonds.

 

La procédure d’opposition : formalités et validité

La signification de l’opposition

Pour être valable, l’opposition doit être signifiée au domicile élu par les parties ainsi qu’à la personne désignée comme détenteur du prix de cession (séquestre ou les parties elles-mêmes), tel qu’indiqué dans l’avis publié au BODACC. Une signification doit également être adressée à l’acquéreur afin de l’informer de l’opposition. 

La forme de l’opposition

L’opposition peut être formalisée soit par lettre recommandée avec accusé de réception ou signifiée par huissier de justice afin de sécuriser la procédure. 

Le contenu obligatoire de l’opposition

L’acte d’opposition doit mentionner, sous peine de nullité :

  • Le montant exact et les causes de la créance revendiquée ;
  • Un domicile élu par le créancier dans le ressort territorial du tribunal compétent où se situe le fonds de commerce.

À ce titre, une opposition dépourvue d’indication précise sur le montant de la créance sera considérée comme irrégulière et inopposable au séquestre (Cour d’appel d’Angers, 14 mars 2023, RG nº 19/00071).

 

Les effets de l’opposition

Opposition validée : effets, acteurs et recours

L’opposition valable formée par les créanciers entraîne, à défaut d’accord avec le vendeur, une indisponibilité du prix de cession pour une durée de 105 jours à compter de l’acte de vente, conformément à l’article L.143-21 du Code de commerce. Pendant cette période, la personne désignée comme détenteur du prix de cession ou le séquestre est tenu de conserver les fonds, faute d’accord entre le vendeur et ses créanciers. 

Le recours des créanciers à l’expiration des délais

À l’expiration du délai prévu par l’article L.143-21 du Code de commerce, les créanciers, le vendeur, le séquestre ou toute autre partie intéressée peuvent saisir, en référé, le Président du Tribunal de commerce du lieu d’exploitation du fonds de commerce pour obtenir une ordonnance de dépôt du prix de cession à la Caisse des Dépôts et Consignations ou voir désigner un séquestre répartiteur, chargé de procéder à la répartition des fonds entre les créanciers concernés (Cour d’appel de Paris, 18 avril 2023, RG nº 20/04122).

Le recours du vendeur à l’expiration des délais

Aux termes des articles L.141-15 et L.141-16 du Code de commerce, le vendeur peut contester la validité des oppositions dans plusieurs cas, notamment si elles sont sans titre ou sans cause légitime, ou lorsqu’elles sont déposées sans respect des formalités requises.

Pour ce faire, le vendeur peut saisir, en référé, le Président du Tribunal de commerce du lieu d’exploitation du fonds de commerce afin d’obtenir la mainlevée des oppositions après l’expiration du délai initial de 10 jours prévu pour l’opposition des créanciers.

En outre, le vendeur peut solliciter l’autorisation de percevoir le prix de cession sous conditions : 

  • La consignation d’une somme suffisante auprès d’un tiers désigné ou à la Caisse des Dépôts et Consignations, destinée à couvrir les créances faisant l’objet des oppositions ; 
  • Une évaluation de cette somme par le juge des référés, qui en fixera le montant exact dans le cadre d’une procédure de cantonnement.

 

Inefficacité de l’opposition : sanctions et responsabilités

L’opposition au paiement du prix de cession peut devenir inopérante si le créancier n’a pas respecté les délais légaux pour former opposition ou si le prix de cession du fonds de commerce a été versé au vendeur avant la réception de l’opposition ou malgré celle-ci. Dans ces situations, des recours peuvent être exercés contre le séquestre ou l’acquéreur du fonds de commerce. 

Sanction en cas de non-respect du délai d’opposition

Le non-respect du délai de formation de l’opposition a des conséquences directes sur les droits des créanciers. En effet une opposition tardive est juridiquement inopposable au séquestre ou à l’acquéreur et celle-ci pourra faire l’objet d’une mainlevée par le Président du Tribunal de commerce du lieu d’exploitation du fonds de commerce (Cour d’appel de Grenoble, 12 janvier 2023, RG nº 22/01520).

La responsabilité du séquestre

Le séquestre engage sa responsabilité civile délictuelle s’il libère le prix de cession alors qu’une opposition valable a été déposée. Une telle négligence constitue un manquement grave à son obligation de vigilance et peut entraîner sa condamnation à indemniser le créancier lésé. 

De plus, il peut engager sa responsabilité en ne répartissant pas dans le délai de 105 jours la somme qu’il détenait au titre du prix de cession du fonds de commerce (Cour d’appel de Paris, 18 avril 2023, RG nº 20/04122).

La responsabilité de l’acquéreur

L’acquéreur du fonds de commerce peut également être tenu responsable s’il procède au paiement du prix de cession au vendeur avant l’accomplissement des formalités de publication requises ou malgré une opposition régulière : l’acquéreur sera condamné à payer le montant de la créance objet de l’opposition valable (en plus du prix de cession déjà versé). 

En effet, la jurisprudence considère que l’acquéreur ne « peut […] prétendre s’être régulièrement libéré à l’égard du créancier qui est en droit de poursuivre à son encontre le recouvrement de la somme pour laquelle elle lui a délivré son opposition » (Cour d’appel de Grenoble, 23 juin 2022, RG n° 20/03160)

Le Cabinet VPA, avocats en droit immobilier, met son expertise au service des vendeurs, acquéreurs et créanciers afin de sécuriser leurs cessions de fonds de commerce, garantir le respect des obligations légales et défendre efficacement leurs intérêts.